À MARSEILLE, LE CHEF VALENTIN RAFFALI SIGNE UN DîNER CHANEL (ET TOMBE SOUS LE CHARME DE LA MAISON)

Chanel présente sa collection cruise à Marseille, et, comme il se doit, fête l'événement avec plusieurs dîners en bonne et due forme, réunissant guests, mannequins, membres de la maison. Cette tradition post-défilé aurait pu être parfaite et ne pas être remarquée, en choisissant uniquement des valeurs sûres de la cuisine méditerranéenne, un établissement étoilé, voire en demandant à un(e) grand(e) chef(fe) de jouer les mères de famille d'un soir pour régaler cette drôle de famille nombreuse d'un menu Michelin-isé. Oui, mais voilà : visiblement, Chanel ne tenait pas à faire comme les autres mais à continuer de secouer le fashion cocotier, comme la maison le fait depuis sa naissance, en imaginant une nouvelle silhouette pour les femmes et en piquant dans le vestiaire des hommes le jersey et le tweed. Pour l'occasion, c'est donc au aussi au chef Valentin Raffali, sensation culinaire phocéenne avec son établissement Livingtson, récemment invité à orchestrer l'événement califorinien de We Are Ona et candidat cette saison à Top Chef que la maison de la rue Cambon a choisi de faire confiance.

Un joli pari, tant le jeune homme incarne un paysage culinaire bouillonnant, recentré sur le produit, les associations voyageuses, loin des nappes amidonnées et de la verrerie en cristal soufflé bouche. La cuisine de Valentin Raffali est à la fois maline, cool et tonitruante, et Chanel n'a pas hésité. Résultat? Quelque chose qui pourrait bien ressembler du coup de foudre : le lendemain de l'événement, organisé sous un format buffet (une autre rareté, les maisons préférant en général le format assis-placé), le jeune chef déclarait sa flamme sur son compte Instagram: : « J’ai vécu dans les mains de Chanel la plus tendre et élégante expérience de ma vie. Je sais que ces mots sont forts, j’ai du mal à écrire, je suis bouleversé par la bienveillance, la justesse et l’intimité de la maison. Ça existe, je l’ai vécu, c’est réel, je me pince il est tard ce soir, il faut que je m’endorme mais je n’y arrive pas alors j’écris pour m’en souvenir». Il n'en fallait pas plus à Vanity Fair pour lui demander de nous plonger dans cette soirée visiblement pas comme les autres.

Anchois farcis de la côte bleue, sériole, radis rose, tartelette de petits pois au Banon, soupions de Marseille à l’ail nouveau, fraises de Carpentras Chantilly : comment as-tu imaginé le menu de cette soirée ?

Quand j’ai appris la présence de Chanel à Marseille, je me suis tout de suite dit qu’il fallait que je puisse faire partie de cette aventure à travers ma cuisine. Nous nous sommes rencontrés, et je leur ai expliqué aussi ce que Chanel était pour moi : le parfum de mon père, et aussi également mon parfum à moi. Pour le menu, ce que je voulais avant tout, c’était de la justesse, de la lisibilité, ne rien déguiser, décider de faire simple quitte à paradoxalement complexifier son écriture. Faire simple, c'est souvent compliqué. Je suis sûr que les ateliers de Chanel seront d'accord là-dessus. L'idée qu'on a partagée, c'est tout sauf l'excessif : on voulait se concentrer sur la beauté du goût. Il fallait que le menu soit sincère, lisible, beau et discret, à l'image de la maison.

Quels ont été les ingrédients phares et d’où viennent-ils ?

Evidemment, l'idée était de représenter Marseille. Je ne travaille jamais avec des « ingrédients phares » : j’aime la singularité de ce qui est disponible, je vais utiliser les ingrédients qui naissent sur place en fonction de la saison, cela fait partie de l’ADN de ma cuisine. Sur les tables, on pouvait retrouver par exemple beaucoup de végétal - des fèves de Bandol, des petits pois de l’étang de Berre, des asperges du Luberon - mais aussi des poissons de la Côte Bleue que j'ai cuisinés avec mon équipe. Les trouver, c'est la pierre angulaire de mon métier de cuisinier. Les producteurs, ce sont des amis, on se connaît depuis des années.

Etait-ce un menu « marseillais » ?

Oui, même si j’ai du mal avec les étiquettes. Marseille, c'est d'abord un carrefour, celui de la Méditerranée. Mais avec les produits utilisés  évidemment qu’on se retrouve avec un menu qui est marseillais et c’est en partie pour ça je pense qu’il a été apprécié. On a tenu à ce qu’il y ait de la simplicité, que tout le monde se sente bien.  Il y avait des choses très simples et à la fois très travaillées, c’est l’addition de tout ça qui a rendu ce dîner magnifique. L’idée c’est de réussir à composer avec justesse, à mon sens, la rencontre des classiques et du modernisme doit être faite avec mesure et nous y sommes arrivé.

Penses-tu qu’il existe une identité culinaire marseillaise ?

Oui évidemment qu’elle existe, elle part du port, de l’eau. Mais je pense que la culture culinaire marseillaise, c’est d'abord de s’assoir tous en famille. Ce qui est important ici, c’est le moment qu’on passe, les gens importent plus que ce que l'on mange, et je partage aussi cette valeur.

Comment fais-tu évoluer l’identité culinaire marseillaise ?

Je n’aurais jamais la prétention de dire que je fais évoluer quoi que ce soit. Mais si c’est le cas alors j’en suis très fier. J’aime introduire l’identité de la Méditerranée de façon délicate. Marseille est pour moi un passeport, c’est le mien quand je cuisine à l’étranger : j’utilise des techniques d’ici dans les cuisines d'ailleurs. Et puis souvent, j’aime prendre ce que j’ai apprécie ailleurs, et l'emmener chez moi librement, à Marseille. Mon style et ma cuisine sont, comme Marseille, ouverts et accueillants!

Est-ce une première fois pour toi de travailler avec une maison comme Chanel ?

Oui. C’est la première fois que je vis cela - et aucune expérience n’est comparable à celle que je viens de vivre avec Chanel. On m’a introduit dans une famille. C’est une expérience globale, plus qu'un simple projet. Ce dîner, c’est plus d’un mois de travail - et ce que je retiens, c'est la qualité des échanges, la bienveillance, l’élégance. J'aime beaucoup cette phrase : « Le vrai luxe, ce n’est pas ce que l’on porte mais comment on se comporte ». Je n’avais jamais vécu d’expérience comme celle-ci : Chanel, c’est une maison où je me suis senti bien, j’ai été écouté et respecté. Ce qui m’a marqué, c’est son ouverture d’esprit, cette carte blanche qui m'a été donnée, sous le signe d'une ode à la simplicité. Et puis, c’était pour moi une première expérience Chanel au-delà du dîner : c'était aussi mon premier défilé et je m’en souviendrai toute ma vie. C'était fabuleux et curieusement, l'atmosphère un peu chaotique liée à la météo, le vent, ont rendu le tout encore plus poétique.

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